Assen : l’autre visage de la réincarnation ancestrale
Le souvenir de la personne décédée est matérialisé par l’édification d’un autel commémoratif appelé Assen. Cet autel est érigé afin de permettre à cet être de renouer avec les liens familiaux sous la forme de la réincarnation.
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Assen yikon in exposition ''Rêve de l'au delà'' de Eliane Aisso |
« Rester dans le souvenir et la vie quotidienne de ceux qui nous sont chers et nous ont quittés », c’est l’essence même de la matérialisation des défunts par leurs familles. Certaines cultures ont de nos jours une manière de perpétuer le souvenir de leur mort. Beaucoup d’entre elles utilisent à cet effet des objets artistiques. Kpoh, sculpteur affirme à propos : «les statuettes que je réalise donnent vie à la personne disparue. Vous pourrez découvrir son sourire tendre, l’expression corporelle et même pouvoir communiquer avec cette statue comme si c’était votre parent qui vous a quittés. Ses yeux parlent si vous y prêtez une forte attention. Loin d’être une statue, elle peut même se fâcher après vous lors des actes indécents ». Il poursuit : « Quand vous êtes père de jumeaux qui sont revenus sous la forme mystique, habituellement dans les bois, peu importe lesquels, vous êtes obligés de communiquer avec eux. Ce n’est pas forcément les propos mais par l’expression de votre visage et de votre pensée ». La représentation de cet objet est d’empêcher les vivants d’oublier leurs morts. L’objet appelé Assen en fon, Assanyi en goun ou encore Ossun en nago, est celui que les cultures du continuum ‘’Gbé’’ont créé pour jouer ce rôle. L’Assen ou l’assanyi est l’un des rares objets dont on peut reconstituer l’histoire. Les sources orales et écrites ont conservé le témoignage de son évolution.
Conception de l’Assen dans la littérature
« Les sources orales et les recherches ethnologiques de l’écrivain Abdou Serpos Tidjani ont permis de savoir comment les peuples du continuum Gbé en sont arrivés à adopter un objet métallique pour le culte des morts. Cet objet a deux noms, Assen qui signifie « objet digne de vénération » ou Sinuka qui veut dire la calebasse qui sert à boire… », Affirme K.M, Enseignant des lettres. La tradition enseigne qu’au départ, les populations du continuum ‘’Gbé’’ offraient à manger et à boire aux défunts dans les calebasses. Au contact des Yoruba, elles firent connaissance des cannes de Ossanyin, le Dieu des plantes médicinales et de la guérison.
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Assen du palais royal d'Abomey |
Les types et fonctions du Assen
L’Assen est un objet qui fait le lien entre le monde des vivants et celui des ancêtres ou des dieux. En effet, tout défunt, quels que soient son âge et les conditions de son décès a droit à l’érection d’un Assen. L’objet est le signe de la vie ici-bas. Il y a très peu de cas où on n’érige pas d’Assen au défunt ; mais celui-ci est rarement implanté avant les grandes cérémonies particulières que sont le ‘’jo nu dido’’ et ‘’le xwetanou’’. L’Assen ne vise pas à décrire le caractère d’une personne. Il permet de l’invoquer, de le rendre présente dès l’instant où on l’invoque.
Le rite de passage
Le défunt, en se faisant une place de prestige dans la cour des ancêtres doit accepter suivre un rite de séparation avec son entourage. Cette phase a pour but de lui recréer une identité et de le transformer en ancêtre. Ce nouveau statut va lui permettre de participer à la vie collective et d’être consulté comme gardien de la tradition. Cette matérialisation se fait par l’édification de l’autel appelé Assen qui sera érigé dans l’une des chambres de la concession familiale. En forme de parasol en fer et orné de statue qui caractérisent la vie du défunt, comme les faits qui ont marqué son existence et ses interdits alimentaires. L’Assen est indispensable pour la consolidation du lien social et familial.![]() |
Assen d'un forgeron |
Cérémonies et hommages aux disparus
La prêtresse de la famille ou tanyinon est chargée des prières et des offrandes, elle fait les libations d’eau et d’huile rouge. Lors des grandes cérémonies d’hommages aux ancêtres, les Assen sont transportés devant la case des prières et implantés par ordre de préséance. Les officiants proclament alors successivement les noms des ancêtres et les louanges qui les accompagnent. Ils réactualisent la présence des défunts en leur donnant de l’alcool et en les nourrissant d’igname et de manioc », confie Hounnongan Gbènoukpo. Il poursuit : « Le sang est l’offrande ultime, car il possède une force vitale qui passe par la mort de l’animal pour transférer la vie à l’ancêtre qui doit reprendre vie ».L’assen a une importance royale dans la royauté. Pour le sociologue Raymond Assogba, « cet objet montre que devant Dieu le suprême, c’est l’égalité pour tous ».Tout comme la Toussaint célébrée par l’Eglise catholique pour se souvenir de leurs morts dans la prière, l’Assen se renouvelle pour réaffirmer l’amour que les uns et les autres ont pour l’illustre disparu.
Ah! Intéressant. Merci pour les précisions Marina.
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