ADJOGAN : le rythme de la canne, l’héritage des Aïnonvi
Aujourd'hui, nous allons voyager au cœur d'un rythme, celui là qui est le symbole du mariage entre tradition et modernité, mais également prône la tolérance religieuse.
Toute la rédaction de IYI Blog, vous souhaite un bon voyage au cœur de ce rythme ancestral.
Autrefois canne à percussion, le
adjogan s’est révélé au fil des jours. Un rythme exécuté dans les cours royales
lors des grandes réjouissances.
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femme exécutant le ADJOGAN |
Adjogan
est une danse princière exécutée à des occasions particulières. Elle a trouvé
naissance dans la cour royale de Porto-Novo mais s’exporte aujourd’hui vers la
cité des ‘’houégbadjavi’’. A en croire Mitô Akplogan, conseiller à la cour
royale de Porto-Novo, « Le « Adjogan » est surtout exécuté lors
des réjouissances ou des cérémonies funéraires au palais. Il est aussi joué
lors des cérémonies de veuvages et celles ancestrales ayissoun et agô ».
Il va plus loin et ajoute « le rythme Adjogan est exclusivement réservé
aux femmes puisque c’est la femme qui apporte la lumière, elle est tout
simplement le sel qui manque quelque fois pour donner de la couleur à la
vie ». Mais les femmes qui exécutent ce rythme doivent remplir des
conditions données. un sociologue nous parle ici des conditions sociales
d’exécution. « Le Adjogan est comme une institution, il regroupe des
hommes qui assurent la percussion quelque fois mais la pièce maîtresse, ce sont
des femmes mais pas n’importe lesquelles. Les femmes ici doivent être descendantes
d’une famille royale ou des princesses, être des femmes pieuses, surtout veuves
et acceptent d’être formées par l’ainée des princesses de la cour ».
La
posture, un facteur de valorisation du rythme
Les
femmes, dans l’exécution de ce rythme, arborent
un accoutrement bien particulier. Elles portent deux pagnes. Le premier pagne
de couleur noire est mis pour rendre hommage aux pratiquantes de ce rythme qui
ne sont plus de ce monde, et le second pagne au choix, est noué jusqu’à la
poitrine, le tout mis en valeur par des colliers en perles qu’elles mettent au
cou. Dans leurs mains, on retrouve le « allohoun », une sorte de
canne métallique à percussion, qu’elles manipulent avec souplesse et finesse de
manière synchronisée. La canne à percussion est une baguette en fer argenté
d’un mètre environ et recouverte de disques en cuivre ou de petits anneaux. Les
princesses, en dansant, manient la baguette et agitent dans un mouvement
synchronisé les divers anneaux encerclant la canne tout en laissant entendre des petits
bruits « tchin tcnin thin keou » et ceux du gong qui
s’harmonisent avec ceux du gong.
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la prestation et la posture des femmes |
Pas de rythme sans rites
L’octogénaire
Julienne Gnonhossou, descendante de ‘’Dê lokpon’’ et ancienne danseuse du
rythme adjogan confie qu’il faut « avant toute sortie, consulter le fa , et
lorsque les prédictions ne sont pas bonnes , on fait recours aux sacrifices
propitiatoires (vôsisa) afin de conjurer le mauvais sort et implorer les mânes
des ancêtres dans le but de bénéficier de leur protection et de leur grâce ».
Elle poursuit en ajoutant : « il y a une grande étape à ne pas
banaliser, on prie aussi pour le gou, Dieu du fer avec les boissons sucrées car
il ne consomme pas de l’alcool. Les piments de guinée (atakoun), les colas et
des pièces rouges sont aussi utilisés. Puisque nous utilisons un objet
métallique et il urge de magnifier celui qui nous donne cette grâce».
Quand l’église romaine puise dans
nos cultures
Le
adjogan est devenu un rythme adopté par les églises. Même des chorales portent
ce nom et exécutent uniquement cette danse. Mais ici, c’est lors de l’arrivée
d’un évêque originaire de la cité des ainonvi ou de celle des houégbadjavi, de diverses
manifestations religieuses et des cérémonies
d’ordinations que ce rythme est exécuté. Ainsi, l’église s’abreuve à la source traditionnelle.
A ce propos, le père Pierre Paul Missehoungbe confie : « tout ce qui
est bon dans la culture africaine et pouvant aider à louer et à magnifier sa
joie envers Jésus-Christ doit
être valorisé ». « Il est de bon ton qu’on se sente dans sa culture,
tout en restant toujours chrétien catholique. L’on doit éviter l’acculturation,
il faut se sentir fier d’appartenir à une culture ». Ce sont là les mots
d’exhortation du père Pierre Paul Missehoungbe
qui confirme que l’église puise les rythmes dans la tradition afin
d’instaurer le dialogue et favoriser le brassage entre tradition et christianisme.
Le rythme adjogan s’est perpétué et se retrouve dans beaucoup de paroisses tout
comme le toba, le zinli, le tchinkoumè et autres qui sont des rythmes de la musique
traditionnelle exécutés dans l’église catholique.
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